Leo Bioret / Carnet d'artiste2, CÉCILE BENOITON / JOHANN BERTRAND DHY / NOÉMIE CHAUVET / JULIEN GO / CLAIRE HANNICQMARJORIE LE BERRE / JULIE MAQUET / HANNAH MONTOUX-MIE / RÉGIS PERRAY / JEFFREY POIRIERAMANDINE PORTELLI / AUDE ROBERT / THOMAS ROCHON / DANNY STEEVE / MANON TRICOIRECHARLIE YOULE & BEVIS MARTIN
Carnet d'artiste 2
Exposition > 24 janvier - 4 février 2022, ANGERS
Ce deuxième opus des carnets d’artistes s’attarde sur la variété des formes et des pratiques des carnets. En les déplaçant dans le cercle de la diffusion, artistes et commissaires découvrent leurs nouvelles existences spatiales, ce qu’ils livrent de leur intimité, leur générosité et leurs surprises. Déployé sur deux sites à Angers, Carnet d’artiste2 rassemble 17 artistes francophones. Le collectif BLAST en accueille 14 dans la Cabine et de l’autre côté du pont de la Haute-Chaîne, l’association Satellite présente l’exposition de trois artistes et un temps d’échanges.
« J’ai un carnet sur moi, qui m’accompagne, en permanence et j’y note des trucs, quelques gribouillis que je suis la seule à comprendre. Ça a duré plusieurs années pour trouver le format idéal et le papier agréable : 14x9 cm, fond blanc ? Moleskine, couverture souple ou rigide, 19x25 cm, petits carreaux ? Carnets, cahiers, albums ? Feuille libre, photocopie ? Papier de récupération, fin, lisse, reliure cousue ? Irréguliers, identiques ? Fabriqué, trouvé, acheté ? Pochette, à spirale, numérique, carte, fac-similé ? Formats sac à main, sac à dos, poche ? A4, A5, A3, couverture noire ? Édition, imprimé, 11,3 x 17 cm ? Le carnet me séduit souvent avant que j’en ai l’utilité. Il offre un espace potentiel à mes pensées. Pour qu’il commence vraiment, je dois lui trouver son bon usage. Certains carnets sont envisagés comme des originaux et constituent le matériel de productions ultérieures. Le carnet fait partie de ma panoplie d’artiste, je peux y noter un coup de génie ou un don du ciel, c’est le premier support sur lequel je matérialise ma pensée. Il constitue l’espace de la première démarche dans la réalisation d’une œuvre, une vision initiale plutôt intuitive. Le carnet est le tampon indispensable entre l’invisible et la matière. J’y synthétise les informations, je gagne du temps, de la place, je vais à l’essentiel. Chaque carnet a une fonction : de route, de bord, de santé, de vol, de voyage, de croquis, de recherches préliminaires, techniques. Cette pratique n’est pas tout à fait régulière, elle prend la forme d’écrits spontanés, de collages, de tests, de croquis, de citations, de références, d’annotations, de dessins, d’aquarelles, de listes, d’ébauches, d’esquisses, de brouillon, de à venir, de comparatifs, d’observations, de pensées qui éclairent, d’histoires graphiques, de traces, de ressentis, de compositions, de pages noircies, d’improvisations, d’indices, de rêveries, fantasmes, de prémices de projets, d’intuitions, de recettes de fabrication, de mesures, d’extraits d’émissions et retranscriptions, de montages, de souvenirs, d’ennui et d’affinités visuelles. Mes carnets sont mes cerveaux, c’est comme ça que je les appelle. « Où j’ai mis mon cerveau ? Ce n’est pas le bon cerveau ! » Certains sont titrés, d’autres non, ils sont tous très abimés ayant vécu, voyagé parfois sous la pluie, parfois sous les larmes, parfois taché par la fuite grasse d’un Tupperware ou imbibés par l’orage diluvien. Comme un livre, j’emporte le carnet où bon me semble. J’aime qu’il soit marqué par la manipulation, froissé et corné. J’ai l’impression que le temps qui passe lui donne une contenance. Comme si les images réunies étaient les éléments d’une histoire ancienne et presque oubliée. Tout commence par le carnet, je ne peux pas réfléchir sans papier ni crayon. J’y note tout. Je fais défiler mes idées de façon chronologique, comme une mémoire-réserve, une trace, une bribe, une sauvegarde, un classeur de fabrication. La brève note se concrétise en œuvre bien plus tard. J’en ai toujours été surprise et contente. Contente d’avoir été au bout, sans m’en faire un impératif mais en ayant malgré tout suivi une ligne invisible, un fil le long duquel mes réflexions s’épaississent. La pratique du carnet me permet de visualiser l’œuvre et en créer diverses variations, de décliner les propositions pour arriver au concret. Tout y passe sans hiérarchie. C’est une pratique quotidienne qui maintient l’exigence de la création. Elle est liée à un mot ou une forme : dense, ramassée, centrée, concentrée, fulgurante, efficace. C’est un fragment, un espace-temps que je libère et installe. Le carnet continue l’exploration et la compréhension de ce que je cherche et ne connais pas encore. J’archive mes carnets chronologiquement. C’est un projet relativement confidentiel, un peu intime et sans filtre. C’est une façon de mettre de l’ordre, d’anticiper, de rassembler. Je n’en fais cependant pas quelque chose qui doit rester secret. Plus un carnet est vieux, moins il est intime. Il me rassure ! Est-ce une forme stable dans le temps ? Il est pour moi un lieu mouvant. C’est une compagne de route, un intervalle de pensée, une intermédiaire, une échappatoire, pour se sentir libre. C’est un catalyseur. J’y décharge parfois ce qui est trop noir, ce qui est important et marquant. C’est un moyen de se souvenir. Il est oublié, non-achevé, malmené, déplacé, mais surtout recomposé comme le prologue à un cheminement plastique. J’y extrais parfois des fragments qui sont réinterprétés, qui quittent la page pour se confronter à d’autres supports, au vent, à la lumière, au paysage…» ___________________
Hélène Cheguillaume et Léo Bioret ont commissé ce projet d’expositions sur une invitation d’MpVite et en partenariat avec le collectif BLAST et Satellite.
crédits: photographies Marine Combes
vue d'exposition Carnet d'artiste 2, La Cabine, galerie Satellite
Cécile Benoiton, carnets
Jeffrey Poirier, reproductions
Thomas Rochon, éditions-carnets
Noémie Chauvet, carnets et maquettes
Hannah Montoux-Mie, "Tu viens", 2021
Aude Robert, carnets
Claire Hannicq, reproductions
Julien Go, carnets
Julie Maquet, carnets
Cécile Benoiton, carnet
Amandine Portelli, carnets