Leo Bioret / Les expérimentations, dimensions variables, CHARLOTTE BARRY
Les expérimentations, dimensions variables
Texte d'artiste, 2015

Investie dans des problématiques de maîtrise des espaces et des matières souples, Charlotte Barry ne cesse de générer des formes. Elle expérimente le geste et développe des modes de création intuitifs. Sa production de dessins et de sculptures s’appuie sur un répertoire de formes très riche et non orienté. Elle conserve modérément les influences picturales qui ont guidé ses premières explorations artistiques. Le travail de Charlotte Barry va au-delà et traverse de nombreux entre-deux plastiques, toujours animé par cette volonté d’interpeller le processus gestuel par l’accumulation et la répétition. Tissus, papiers, fibres, film étirable, plastique, mousse extrudée, médium, … La substance molle est contractée, remplie, tordue, tressée, étirée, tendue, écrasée, modelée, … L’artiste manipule les variations de matière dans une constante expérimentation morphologique jusqu’à épuisement physique et plastique. Le mécanisme établit s’articule autour d’un discours relatif aux formes. Charlotte Barry vient piocher dans son inventaire à la recherche d’une matière associée au geste adéquat. C’est par cette indexation qu’elle fonde sa maîtrise de la construction spatiale. En arrivant aux limites de la création, elle laisse à ses œuvres la possibilité de la surprendre à chaque manipulation. Son processus de production est contrôlé, technique et calibré, de l’ordre de l’expérience artistique, mais une part de « risque » est laissée à la matière première. Le dernier équilibre peut ainsi fonder une toute nouvelle forme dans la façon dont il se positionne, dont il tient, dont il persiste, toujours à la limite d’une chute ou d’un point de rupture. L’artiste instaure une atmosphère sensible forte autour de ses pièces. Il en émane une envie de toucher irrépressible. Ses œuvres ont quelque chose de l’ordre du sublime. Elles nous transportent sur le fil, sans cesse dans l’instabilité, dans le presque et le peu de choses. Charlotte Barry joue avec nos aptitudes sensorielles, notre imagination et elle déclenche notre mémoire collective du ressenti. Elle appréhende d’ailleurs de manière très personnelle les reliefs de ses dessins composés par la répétition de motifs sur la feuille. Elle aime raconter l’effet que produisent les milliers de points sous les doigts. La frustration tactile n’est jamais loin, mais elle fait partie de ce mécanisme d’interaction développé par l’artiste. Son obsession pour le geste automatique de la répétition est toujours contrôlée pour rester dans la composition. La concentration des points et les itérations de motifs génèrent des effets magnétiques saisissants sur le papier. Les possibilités de points de vue proposées dans les dessins de Charlotte Barry frôlent bientôt l’infini et s’épuisent l’instant d’après dans une réaction de mouvements qui apparaît soudain. Elle connaît sa feuille blanche et les espaces qui s’y croisent, les limites de ses formes, les masses et les vides sont alors instinctifs et équilibrés. Ses dessins sont systématiquement traités en noir et blanc. Récemment, elle a décidé de tester la couleur, les assemblages générés sont appelés, Les hybrides. Tantôt partie du corps humain, figure animale, forme biologique ou bactérie, tantôt prolifération, mouvement microscopique, forme organique ou organisation végétale. L’artiste aime travailler des notions d’échelles, du cosmos à la cellule, créant ainsi ses chimères évolutives. Aujourd’hui, Charlotte Barry est dans une dynamique de recherche et de développement de la sérialité. Emblèmes d’une démarche artistique en perpétuelle recherche de perspectives plastiques, les formes intuitives de Charlotte Barry n’ont pas fini d’explorer des espaces habités par des phénomènes répétitifs en constante expansion.
Léo Bioret

crédits: Charlotte Barry, "Fragments", 2016, photographie Adeline Moreau
"Les ronds d'or", 2016, photographie Dominique Delpoux
"Les hybrides", 2014-2016
"Les broderies", 2016, photographie Dominique Delpoux