Leo Bioret / Perspective, AMANDINE PORTELLI
PERSPECTIVE
Entretien, 2017
Le projet « Perspective » présente sous la forme d’une soirée vidéo – live puis d’une exposition, les connexions temporelles et visuelles d’Amandine Portelli entre dessin, vidéo, performance et réactivation. Cet échange avec l’artiste réalisé au début de sa résidence intervient en pleine conception artistique et scénographique, une autre perspective partagée avec Amandine Portelli.
Léo Bioret : Accueilli dans la Cabine par le collectif BLAST, le mois de mars te permet de mettre en forme et en scène le projet, "Perspective". Quel est ton programme de travail, comment investis-tu les lieux et l’espace de la Cabine entre l’exposition et la soirée de projection ?
Amandine Portelli : D’abord par une mise en espace puis un temps de création in situ. Les premières semaines passées dans la Cabine me permettent d’installer le cadre de mon projet : cloisons, lumières, matériel vidéo et obturation des fenêtres pour faire le noir et les premiers tests audiovisuels. Le début de cette « résidence » coïncide avec un temps de travail dédié à la mise en place de ma performance vidéo ; la soirée de projection qui aura lieu au sein de l’exposition encore en montage le mercredi 22 mars 2017.
A.P : J’aime la notion de performance qui est très temporelle. À un moment T on voit un passage, une action et dans un deuxième temps, l’archive qui n’est plus la performance vue, mais la trace. Je souhaite développer cette temporalité dans l’exposition "Perspective".
L.B: Comment as-tu pensé le projet d’exposition ?
A.P : Dans cette exposition, la question essentielle est celle de la représentation du pouvoir. Je travaille sur ce projet depuis plusieurs mois. Le titre, Perspective est une ouverture, un titre polysémique ; que ce soit la technique et l’histoire de la perspective et sa dimension humaniste d’ouverture sur le monde, le sens que je vais lui donner dans ma pratique, mais aussi son sens social et politique. "Perspective" est une déclinaison qui implique aussi une idée de frontière, qui m’amène directement au mur.
L.B : Tu as une relation visuelle privilégiée au sujet et à l’image du mur ?
A.P : Le mur est récurrent dans mon travail, il me fascine. Le projet Cellule, s’est développé après une temps d’immersion et d’archivage. J’ai passé beaucoup de temps à la Maison d’arrêt d’Angers à observer la vie carcérale par l’intermédiaire de l’Asdascs. Travailler autour des prisons a éveillé mon intérêt sur des questions d’espace et de politique. J’avais envie de parler de la coercition qui m’a amené vers l’architecture comme lieu de pouvoir. J’ai commencé à réaliser des sérigraphies de vue aériennes de prisons françaises et je les ai toutes isolées de leur contexte géographique.  Aujourd’hui je repense ce projet en terme d’accrochage en présentant des grands lais de papier imprimés à l’aide de traceurs de plans qui se dérouleront du mur sur une table.
L.B : Comment développes-tu ce principe de réactivation et sa temporalité avec tes œuvres qui vivent sous des formes évolutives ?
A.P : Je laisse cette possibilité aux œuvres. J’aborde l’espace par les combinaisons et l’idée de l’infini. Ce principe de combinaisons est lié à un artiste que j’aime beaucoup, Sol Lewitt. Lorsque je travaille sur une vidéo et que je la termine, j’assume la forme qu’elle prend, les détails qui fonctionnent ou non. Les étapes de l’œuvre doivent vivre et être montrées. Je garde chaque forme de l’œuvre, ce qui me permet d’avancer, de créer mon plan, mon archive.
L.B :  Tu finalises pour Perspective, le projet de dessin-animation, You have to kill me, une nouvelle expérimentation du principe de la série. A.P : L’intégralité de mon travail est la série, chaque projet forme un tout. Je m’interroge beaucoup sur l’unique et le multiple, entre ce que je fais à la main et ce que je fais à la machine ; ce qui donne une caractéristique singulière à l’unique et ce qui forme un tout par l’identité commune. A l’infini va la différence et l’interprétation ! J’ai envie de m’approprier cette liberté d’interprétation que l’on trouve dans le spectacle vivant pour l’adapter aux arts visuels. Je suis passé du dessin au film d’animation dans le cadre de ce projet, You have to kill me, inspiré du procès d’Orson Welles, où je me donne une certaine liberté d’interprétation. Je m’attache à reprendre des extraits de ce film qui fait partie, pour moi, de mon histoire visuelle. C’est une réactivation intellectuelle développée autour d’une vidéo d’animation réalisée à partir de centaines de dessins présentés autour de la vidéo dans l’exposition. L.B : Cette exposition Perspective est-elle la première impulsion, l’amorce d’une forme d’exposition que tu souhaiterais développer dans tes futurs projets ?
A.P : Perspective est en effet une amorce de cette proposition en présentant les traces des deux vidéos-live réalisés lors de la soirée ENTRACTE, dans l’exposition. Chaque projet de performance trouvera ainsi sa forme complète. J’aimerais développer une forme d’exposition évolutive où toutes les traces des performances, qui auraient lieu sur le temps d’exposition seraient présentées dans l’espace. Ce deuxième temps me permettrait d’expérimenter l’exposition de la performance. Chaque réflexion serait élaborée à plusieurs autour de mon travail et pourquoi pas à l’infini ? Je suis très sensible au travail de collaboration dans une pratique performative. Le fait d’en parler, me permet de poser ce projet, concrètement. Il faut que je me lance, c’est une sorte de promesse que je me fais à moi-même !
__________________________________________
Entretien réalisé le par Léo Bioret avec l’artiste Amandine Portelli
crédits: Amandine Portelli, vue d'exposition "Perspective",collectif BLAST, Angers, 2017
Amandine Portelli, "Square de la Paix", 2017
Amandine Portelli,"You have to kill me", 2017